En vol

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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

samedi 18 novembre 2017

DÉMAQUILLONS-NOUS !




Voilà une injonction qui fait suite à la vague de protestations contre le harcèlement. 

Il était bien temps que toutes et tous (car ce dernier ne blesse pas que des femmes) se révoltent contre une plaie semblable à celle que subissent certains enfants et adolescents en milieu scolaire, sans jamais oser en parler. Les raisons sont les mêmes : la loi du plus fort est toujours la meilleure ; la parole du faible se retournera contre lui. Et contre elle. Ceci est intolérable.

Moi-même, qui ne suis pas un perdreau de l’année (à savoir – pléonasme – pas une jeune perdrix), je dis non au harcèlement, et suis la première à applaudir ce « coming out », cette révolte des victimes – même si, petit bémol, mon expérience m’incite aussi à me méfier de tout ce qui pourrait ressembler à une chasse aux sorcières.

Pour cette dernière raison, il me semble raisonnable de réagir, face à la nouvelle vague de protestation contre le maquillage. Vous avez sans doute vu, sur un écran ou un autre (ICI ?) l’allure « naturelle » de certaines comédiennes qui revendiquent le droit de ne pas se farder afin, disent-elles, de ne pas succomber à la pression sociale que ces gestes impliquent, ni être systématiquement transformées en objets de désir (forcément lubrique). Mais aussi parce que, disent-elles, ce geste leur prend trop de temps chaque matin.

Outre le résultat sur leur visage ou leur tignasse, guère plus agréable à regarder à la télé que dans l'intimité, cette prise de position fait réfléchir à la place que nous voulons occuper dans la société, et ce que cela implique pour nous autres, femmes. Nous ne sommes pas toutes Bérénice, sous le regard amoureux de Néron :
"Belle, sans ornement, dans le simple appareil
D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil."

Soyons franches : la cinquantaine passée, au saut du lit, le simple appareil peut, parfois, avoir des airs fripés ! Se maquiller a minima pour y remédier ne prend pas tant de temps que cela. Nous n’avons pas toutes pour objectif d’avoir l’allure d’un mannequin dès potron-minet. Les gestes du quotidien peuvent être minimalistes, avec un résultat naturel et confortable pour notre peau. Nous ne les effectuons pas pour plaire aux autres (hommes ou femmes) mais surtout par respect pour nous-mêmes, et pour nous sentir mieux. En clamant ainsi qu’il faudrait se passer de ces artifices pour – entre autres – ne pas attirer le regard concupiscent des hommes, nous tombons dans le schéma subi par les femmes que l’on force à porter le voile, ou qui n’ont pas le droit de revêtir la moindre jupe. Dans certains quartiers, mettre son physique en valeur est considéré comme dégradant, aguicheur, et celles qui le font sont vite cataloguées, ce n’est pas la peine de préciser ici le terme utilisé pour les définir.

Par voie de conséquence, et avec le recul que me donnent les années, il m’apparaît que le refus du maquillage équivaut à une soumission. Je vous le dis, mes copines : refusons-la. Sans pour autant être inféodées à l’industrie cosmétique, nous pouvons affirmer notre désir de rester belles, soignées, et de recourir à quelques artifices pour cela, si nécessaire. La gamme de produits est assez large pour que nous choisissions ceux qui conviennent à notre peau, à notre look, et même à nos convictions : non testés sur les animaux, vegans, naturels et bio, respectueux de l’environnement, fraîchement produits et à garder au frais, etc. Et si, par hasard, nous souhaitons ne pas nous maquiller du tout, est-il vraiment nécessaire de le crier sur les toits ?

 Miroir, mon beau miroir...


Tout de même, cette révolte fait réfléchir. Dans les années soixante, le naturel primait, pour ne pas dire le laisser-aller. Il était souvent accompagné d’une hygiène douteuse. Sous les fleurs, la crasse*. Le balancier est-il reparti dans ce sens ? J’espère que non, car la nostalgie n’est plus ce qu’elle était**.

Allez, je vais de ce pas me démaquiller et enfiler mes charentaises. Pas de raison de bouder une mode, juste parce qu’on n’a plus vingt ans !  

 Damned, la coquetterie reprend le dessus
Quelle couleur choisir ? 
(Image prise sur ce site)


 *Lire à ce propos le roman de Emma Cline, THE GIRLS, qui relate ce que vivait un groupe de jeunes filles avant et au moment des meurtres commis par Charles Manson.  C'est une fiction, les noms sont différents, mais le contexte du quotidien hippie y est décrit d'une manière qui vous fait frissonner. 

**Titre d’un roman de Simone Signoret, qui a su assumer son âge, jusqu’au bout. Quelle belle âme elle avait !



1 commentaire:

  1. Avec son accord, je publie ce commentaire de Françoise Livache :

    "Je soutiens ces prises de paroles des femmes agressées et harcelées : leur virulence est à la hauteur de leur détresse passée.
    De même je partage ton avis contre les diktats contradictoires qui nous contraignent dans nos conduites quotidiennes les plus intimes...
    Oui, refusons toute soumission à toute forme d’autorité (commerciale et autres !) même si nous savons mieux, grâce à Françoise Héritier, l’anthropologue récemment disparue, que cette situation de domination/soumission pluri-millénaire a été intériorisée à en devenir 'naturelle'. "

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