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Image de la superbe chaise de l'artiste SAB

dimanche 25 février 2018

LA GRATITUDE DE LA FAMILLE FEIBUSCH, RÉUNIE À GOLFE-JUAN.


Cette mer qui unit et réunit... 

Une fois n'est pas coutume : Gratitude va exprimer sa gratitude d'en avoir reçu !

En avant-première, toutes affaires cessantes, il me faut raconter ici l'exceptionnel cadeau de la vie qu'a représenté pour nombre d'entre nous, et pour moi-même, la rencontre avec quatre membres de la famille Feibusch. 

Mais qui sont-ils, vous demanderez-vous ? 
Avant de vous renvoyer aux détails qui entourent cette affaire, je vais en dire l'essentiel. 

Depuis de nombreuses années, je fais partie du bureau de l'AMEJAM (Association pour la Mémoire des Enfants Juifs Déportés des Alpes-Maritimes). 

Notre but est de poser des plaques sur les écoles que des enfants juifs ont fréquentées avant d'être envoyés dans les camps de la mort. 

Nous avons ainsi posé 17 plaques dans la région, à chaque fois avec beaucoup d'émotion, à la pensée que ce morceau de pierre est leur seule sépulture. 

La dernière en date a été dévoilée le 6 octobre dernier, à Golfe-Juan, en présence de Mme le Maire de Vallauris-Golfe-Juan, qui avait rondement mené ce dossier, nous facilitant la tâche en nous proposant tout de suite un emplacement parfait pour inscrire les noms de six jeunes déportés réfugiés en un lieu qui se nommait en 1943 "Centre-école de céramique". 



Le bâtiment d'origine n'existe plus, et personne ne peut dire où il se trouvait exactement, pas même Joseph Joffo qui y a séjourné, sans y être lui-même arrêté : relisez ou allez voir Un sac de billes pour plus de détails à ce sujet ! En 2016, nous avions arpenté le coin à pied en sa compagnie... sans grand succès. 

Le mur choisi a donc été celui du monument aux morts de Golfe-Juan.

Bref, la plaque a été posée, nous avons rendu compte en son temps de cette cérémonie émouvante sur le blog de l'AMEJDAM, et un long article a même été publié dans Nice-Matin dès le lendemain. 

Parmi les six jeunes gens dont les noms sont gravés dans la pierre figure celui de Jean Feuillet. 


Arnold Feibusch, 
alias Jean Feuillet, 
photo prise avant la guerre

Ce n'était pas son vrai nom. Son vrai nom, c'était Arnold Feibusch, et il était né à Anvers, et non à Merville, ainsi que l'indiquaient ses faux papiers. 
Je vais vous faire une confidence : partant des recherches initiales de membres de notre association, j'ai moi-même retrouvé quelque part sa véritable identité, et des informations sur son sort, mais à ce jour... je ne peux même pas me rappeler comment, ni où, tant j'étais impressionnée, voire bouleversée, par le tour inattendu que prenaient ces recherches !

Arnold Feibusch a survécu, il est revenu d'Auschwitz et de Bergen-Belsen, après avoir fait la tristement célèbre "marche de la mort." 

Hélas, il a connu une fin tragique en 1982, ce que j'avais aussi découvert, sans être sûre qu'il s'agisse de la même personne. Par bonheur, il a eu trois beaux enfants, avec une épouse rayonnante de bonté. 

Miracle de la toile : suite à ces traces laissées sur internet, arrive un beau jour (oui, ce fut un très beau jour !) un commentaire du fils d'Arnold Feibusch, Sammy. En googlant par hasard le nom de son père en vue de vérifier.... quoi ? s'il y avait du nouveau à son sujet ? quelque chose à communiquer à sa propre fille, en partance pour la Pologne avec sa classe ? Eh bien, il a soudain découvert que, oui, il y avait du nouveau, du neuf, de l'inédit. Il a ainsi appris que le vrai nom de son père, pas son nom d'emprunt, figurait sur une plaque posée en France, dans la commune où il avait été arrêté. Là, et nulle part ailleurs.  

Sammy a immédiatement laissé un commentaire sur le blog de l'AMEJDAM pour exprimer sa surprise et prendre contact avec nous. 

La suite vous la devinez. M'étant personnellement occupée de cette "affaire",  je lui ai répondu. 

Sammy était tellement ému de sa découverte qu'il a décidé de venir très vite à Golfe-Juan, en compagnie de sa maman et de ses deux sœurs, afin de se recueillir devant cette plaque. 




Entre les porte-drapeaux, de gauche à droite :
Nadine, Joëlle, Cathie, Brigitte Joffo, Sammy
avec Joseph Joffo et Denise au 1er rang

La chose a pris de l'ampleur. Tous les "acteurs" se sont impliqués à nouveau. Un moment de recueillement a eu lieu ce 21 février devant la plaque, en présence de Mme Salucki, maire de Vallauris-Golfe-Juan, de son adjoint, M. Michel Molesti, et de nombreux membres et amis de l'AMEJDAM. Avec en plus, la présence de Joseph Joffo et de son épouse. Joseph Joffo n'avait pas de souvenir de ses compagnons d'infortune, mais soudain, quand je lui ai posé la question, il s'est rappelé "Jean Feuillet". "Il était belge, non ? Un beau garçon blond, grand, très sympathique ?"... C'était bien lui !


On ne présente plus Joseph Joffo !

De gauche à droite :
Sammy, Denise, Nadine, Joëlle, M. Michel Molesti 
(notre précieux allié à la mairie de Vallauris-Golfe-Juan),
 rencontrent Joseph Joffo, l'ancien camarade de "Jean Feuillet"

La famille Feibusch nous a touchés au cœur. Leur reconnaissance et leurs remerciements sont allés au delà de ce que l'on imaginait. Sammy, Nadine, Joëlle et leur maman Denise, venus d'Israël, et des États-Unis (dans le cas de Nadine), ont manifesté une telle gratitude pour nos recherches et nos travaux qu'ils nous ont laissés sans voix, et en larmes. 

Un détail expliquera cette émotion. 
Ils ont souhaité se rendre à l'école Gachon, à Golfe-Juan, pour remercier les enfants qui avaient été présents lors du dévoilement de la plaque, et qui avaient chanté deux chansons accompagnés à la guitare par leur "maîtresse", Mme Barrot-Devroedt. 



Les enfants ont posé des questions. Sammy, Denise Nadine et Joëlle y ont répondu. Les petits étaient directs, attentifs, curieux, informés, et impressionnés par les remerciements réitérés de Sammy. 



De gauche à droite :
Denise, Joëlle, Nadine & Sammy


Alors la maîtresse leur a dit ces mots, inoubliables pour tous les présents, que je rapporte de mon mieux : "Vous voyez, les enfants, vous avez fait cet exercice en classe, ces recherches, vous avez appris les chansons, vous les avez chantées, sans réfléchir aux conséquences de ce que vous faisiez. Et vous avez fait du bien à des gens. Grâce à vous, ils éprouvent du bonheur, ils vous en remercient, et cela vous fait du bien à vous aussi. Ne l'oubliez pas."

Je pense aujourd'hui, à présent que les membres de cette famille sont repartis vers leurs foyers respectifs, que nous non plus, nous n'oublierons rien de ces moments si précieux. Je suis heureuse d'avoir pris cette recherche à bras le corps, et immensément touchée par ses conséquences. 

Les seuls mots qui me viennent pour clore ce billet proviennent de la chanson de Joan Baez : "Gracias a la vida" que vous pourrez écouter ici.

Merci à vous aussi, qui avez lu cela. Pour plus de détails, cliquez sur ce lien, qui vous renverra au récit initial sur le blog de l'AMEJDAM, une association à laquelle je suis fière d'appartenir. 


Cerise sur le strudel, cet article de Psychologies sur les bienfaits de la gratitude. Eh oui. 


~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~

Crédits photographiques : ©Jacques Lefebvre-Linetzky

7 commentaires:

  1. Merci Cathie!
    Pour ton travail de recherche, pour l'organisation de notre visite inoubliable et pour le travail de mémoire si important et incessant de l'AMEJDAM.
    Mais surtout pour ton grand coeur!
    Sammy

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  2. Merci, Cathie !

    C'est une belle histoire et un événement très émouvant, surtout pour la famille.

    Joseph

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  3. Merci pour eux, Cathie, et aussi pour nous, merci de nous faire partager ces moments d'émotion. Merci aussi et bravo pour ton travail de recherche, qui a permis et qui permet à beaucoup de savoir, de se souvenir, d'apprendre que le nom de ces enfants ne sera pas oublié. Michou

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  4. Cathy, je sais depuis longtemps que tu es épatante. Eh bien maintenant.. Je continue de t'admirer.

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  5. Merci (mais oui !) Cathie pour ce très beau et émouvant article, tout le travail en amont et aussi pour l'article de Psychologies que je m'apprête à partager.

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  6. Merci (mais oui !) Cathie pour ce très beau et émouvant article, tout le travail en amont et aussi pour l'article de Psychologies que je m'apprête à partager.

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